Pour que le recrutement équitable devienne une réalité!
15 janvier 2018
Pour la première fois, un projet de l’OIT favorise le recrutement équitable de travailleurs népalais pour aller travailler dans le secteur du vêtement en Jordanie. Ce projet démontre qu’un changement positif peut se produire quand tous les principaux acteurs d’une chaîne d’approvisionnement coopèrent.
Photo: Arthur Ancion
«Ils ont dit que nous pouvions y aller seulement à condition de leur verser un certain montant. Certains ont payé 145 $, d’autres 195 $, d’autres encore jusqu’à 385 $», a raconté Lakshmi, une jeune Népalaise, au sujet des recruteurs qui l’ont envoyée travailler en Jordanie.
La plupart des travailleurs népalais émigrant vers la Jordanie pour y travailler dans le secteur de la confection sont de jeunes femmes n’ayant qu’une éducation de base, issues de familles pauvres. Elles sont généralement obligées de payer d’importants frais de recrutement aux recruteurs de main-d’œuvre et aux mandataires secondaires et, souvent, elles arrivent en Jordanie lourdement endettées.
Bernées quant à leurs conditions de vie et de travail, ces travailleuses comptent souvent les jours pour rembourser leur dette et rentrer chez elles. «Les recruteurs nous ont dit que nous gagnerions environ 300 $ mais quand nous sommes arrivées sur place ce n’était que 155 $», a précisé Lakshmi.
Des milliers de travailleurs migrants sont ainsi trompés par des recruteurs sans scrupule et se retrouvent dans des situations extrêmement difficiles qui peuvent confiner au travail forcé.
Contrairement à Lakshmi, Bipana et Sushila, deux autres jeunes Népalaises, n’ont pas versé la moindre roupie pour aller travailler en Jordanie. La différence, c’est «FAIR».
Bipana et Sushila sont deux des bénéficiaires d’un programme très innovant de l’OIT dénommé «FAIR» qui promeut des pratiques de recrutement équitables à l’échelle mondiale et sur des axes migratoires spécifiques en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Asie du Sud, en s’appuyant sur deux grands principes:
- Les travailleurs ne doivent payer aucun frais de recrutement,
- Et les travailleurs doivent être pleinement informés de leurs conditions de vie et de travail dans les pays de destination par des contrats de travail écrits, rédigés dans leur langue.
Pour éviter aux travailleurs de se retrouver dans la situation de Lakshmi, l’OIT a collaboré avec tous les principaux acteurs de la chaîne d’approvisionnement, qu’il s’agisse des grandes marques de vêtements internationales s’approvisionnant en Jordanie, des usines jordaniennes, des recruteurs de main-d’œuvre et des travailleurs au Népal, des organisations de travailleurs et d’employeurs ou des gouvernements.
«Au Népal, j’ai reçu des informations sur les conditions de travail, le salaire, les soins médicaux», explique Bipana, qui a aussi bénéficié d’une formation professionnelle efficace dans le domaine de la confection. «Maintenant, j’ai confiance pour aller en Jordanie». Les participants ont reçu une information appropriée sur les conditions de vie et de travail, ainsi que sur leurs droits et leurs possibilités de se syndiquer en Jordanie.
«En effet, beaucoup de choses se passent avant l’émigration. Afin de s’assurer qu’aucune commission n’est versée, il est primordial de s’adresser aux travailleurs au niveau des villages», explique Tristan Forster de FSI, une agence internationale de recrutement.
Bipana, Sushila et des collègues népalaises recrutées de manière équitable pour la Jordanie dans le cadre du projet FAIR
Dès à présent, on constate que les cultures de recrutement de main-d’œuvre au Népal et en Jordanie commencent à changer grâce au projet: de plus en plus d’usines et d’agences de recrutement sont incitées à adopter des pratiques de recrutement équitables dans les deux pays.
«On n’insistera jamais assez sur la capacité des marques internationales à encourager une évolution positive dans les chaînes d’approvisionnement en main-d’œuvre», explique Philip Fishman de l’OIT. «En Jordanie, des marques internationales bien connues se sont engagées à promouvoir des principes de recrutement équitable parce que ce sont de bonnes pratiques commerciales et qu’elles permettent de réduire les risques pour leur réputation internationale. De ce fait, elles demandent de plus en plus aux usines qui les fournissent d’adopter des politiques et des pratiques de recrutement équitables comme condition pour faire affaire».
Après avoir surmonté de nombreux obstacles et défis, l’axe de recrutement équitable Népal-Jordanie est en place et fonctionne et le recrutement équitable est une réalité. «J’aimerais voir ce projet grandir et s’étendre. Nous espérons qu’un changement à l’échelle de l’industrie tout entière s’opère, il faut que tout le monde l’applique ensemble», a déclaré Kindley Walsh-Lawlor de GAP Inc.
En savoir plus
Le projet «FAIR» fait partie d’une «Initiative de recrutement équitable» mondiale, lancée par l’OIT en 2014, qui vise à prévenir la traite des êtres humains et le travail forcé et à protéger les droits des travailleurs (y compris ceux des travailleurs migrants) contre les pratiques abusives et frauduleuses pendant le processus de recrutement.
A lire: Principes généraux et directives opérationnelles concernant le recrutement équitable