Une nouvelle chance après une vie de travail forcé
25 mars 2022
Shanti et son mari viennent d’une communauté pauvre de Kanchanpur, au Népal. En échange d’un terrain pour construire un abri, ils se sont retrouvés en situation de servitude pour dettes. Mais grâce à la détermination inébranlable de Shanti, et avec le soutien du projet Bridge de l’OIT, elle est devenue maçonne, réussissant à offrir une vie décente à sa famille tout en défiant les préjugés sexistes.
Photo: Shanti Danuk © ILO
Je m’appelle Shanti, j’ai 45 ans et je vis à Kanchanpur au Népal. Mon mari a été travailleur asservi jusqu’à ce que son mauvais état de santé l’oblige à arrêter à presque 70 ans. Si j’avais eu le choix, je n’aurais jamais accepté de devenir une travailleuse asservie, mais c’était inévitable. Jusqu’à récemment, nous ne pouvions rien envisager d’autre pour nous.
Parfois, la vie ne vous offre pas le choix. Nous n’avions pas de terrain à nous, et nous ne pouvions pas non plus nous permettre de louer ou d’acheter un terrain pour construire notre maison. Par conséquent, lorsqu’un propriétaire foncier nous a offert un petit bout de terrain pour construire un abri temporaire en échange de services à vie, nous avons accepté de devenir des travailleurs asservis.
Pendant que mon mari labourait le champ, je plantais et récoltais les céréales. Nous étions payés en nature, principalement en céréales, mais cela ne suffisait pas à nourrir la famille. Parfois, mes enfants devaient se coucher le ventre vide. De même, le propriétaire de la terre ne prenait pas en charge nos frais médicaux. Nous devions les payer nous-mêmes. Notre condition était si misérable que je ne pouvais pas me permettre d’acheter un cahier ou des crayons pour l’éducation de mes enfants. Nous étions dans une situation désespérée.
Alors que je cherchais un meilleur emploi, je suis tombée sur une information concernant le programme de formation en maçonnerie organisé par la Haliya Free Society. Le processus d’inscription, cependant, n’a pas été facile pour moi. Pour s’inscrire à la formation, le candidat intéressé devait présenter une carte de citoyenneté et une photo. J’ai dû passer par un processus difficile pour obtenir la carte de citoyenneté, car je n’avais aucune propriété foncière ni aucun autre document officiel pour prouver mon identité. Finalement, après bien des difficultés, l’officier d’état civil du district a accepté de me délivrer une carte de citoyenneté en reconnaissant celle de mon mari.
J’étais impatiente de participer à la formation. Il y avait 26 participants, uniquement des femmes sauf un homme. Dans un premier temps, nous avons appris le principe de l’éthique commerciale. Petit à petit, le formateur a élargi nos connaissances sur l’utilisation des briques, du sable et du ciment. Pendant la formation, j’ai appris comment mélanger le béton, comment disposer et positionner les briques pendant la construction, comment mesurer la taille des briques et utiliser le fil à plomb pour mesurer la distance par rapport au mur. Nous avons également reçu une formation sur les méthodes pour creuser et construire les fondations de la maison. Il s’agissait notamment de connaître la profondeur de pose d’une fondation, puis de choisir le bon matériau et de l’utiliser avec précision. Je sais maintenant utiliser différents outils de maçonnerie pour la construction et les mesures. La formation en maçonnerie m’a rendue compétente.
Jusqu’à présent, j’ai accepté 15 missions de construction et gagné 2 530 dollars. J’ai investi une partie de ce revenu dans l’achat d’un terrain et la construction d’une maison. Dans de nombreux emplois, les hommes gagnent presque le double de ce que gagnent les femmes pour le même travail. Cependant, il n’y a aucune discrimination de la part de mon employeur. Nous recevons un salaire égal, quel que soit notre sexe, soit 6 dollars par jour. Chaque mois, je dépose 9,26 dollars dans une coopérative locale après avoir déduit le coût des médicaments de mon mari et des frais du ménage.
Je suis satisfaite de mon travail. Suivant mon exemple, d’autres femmes se sont montrées très intéressées par ce métier, tandis que d’autres hésitent encore car il reste perçu comme un travail que les femmes sont incapables de faire. Je n’ai jamais pensé que je serais capable de terminer la formation mais aujourd’hui, je suis devenue maçonne. Maintenant, je veux continuer. Si j’en ai l’occasion, je m’inscrirai à une formation de niveau 2. Cela m’aidera à élargir mon champ de compétences à la construction des piliers et des toits.
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