Renforcer le rôle des syndicats est essentiel pour mettre fin à l’exploitation par le travail
31 mars 2022
Le gouvernement malaisien a lancé son premier plan d’action national. Il a en outre ratifié récemment le Protocole de l’OIT sur le travail forcé de 2014 et s’est engagé à devenir un pays pionnier de l’Alliance 8.7, s’obligeant ainsi à prendre des mesures efficaces pour éradiquer le travail forcé et le travail des enfants. Les syndicats joueront un rôle déterminant dans la mise en œuvre de ces engagements.
Photo: Sumasri, peut-être la soixantaine, originaire d’Indonésie, maltraitée en Malaisie
« Le travail forcé est un problème qui nous concerne tous – travailleurs locaux et migrants, avec ou sans papiers, et même l’économie malaisienne. Le gouvernement s’est maintenant engagé à ratifier le protocole de l’OIT sur le travail forcé de 2014, qui nous engage, en tant que pays, à agir pour prévenir le travail forcé, protéger les travailleurs contre ce problème, faire appliquer le droit du travail, renforcer les partenariats, et élaborer et mettre en œuvre un plan d’action national contre le travail forcé », a déclaré Mohd Effendy Abdul Ghani, président adjoint du Malaysian Trades Union Congress (MTUC – le Congrès des syndicats malaisiens).
Les syndicats ont toujours eu un rôle particulièrement important dans le soutien au travail décent au niveau mondial, en représentant les travailleurs dans les conflits sociaux, mais aussi dans les processus de négociation collective et de dialogue social, notamment dans les pays où le travail forcé et le travail des enfants sont monnaie courante.
En Malaisie, l’OIT a travaillé en partenariat avec le Malaysian Trades Union Congress (MTUC), dans le cadre du projet Bridge de l’OIT, pour renforcer le rôle des syndicats dans la prévention, la protection et la réparation des cas de travail forcé.
Travail forcé en Malaisie
Récemment, des preuves de l’existence du travail forcé et du travail des enfants ont été découvertes dans les industries malaisiennes de fabrication de caoutchouc et d’huile de palme. Cela a entraîné des interdictions internationales d’importation, ainsi que le déclassement du pays en catégorie 3 dans le Rapport 2021 sur la traite des personnes (TIP)*.
Constituant environ 20 à 30 % de la main-d’œuvre du pays, les travailleurs migrants font depuis longtemps la une des journaux en tant que victimes de travail forcé et de violations des droits de l’homme telles que la confiscation des passeports, les conditions de vie inhumaines et les violences physiques.
En raison du système de visa centré sur l’employeur et comme la moitié des 3 à 4 millions de travailleurs migrants en Malaisie sont estimés être sans papiers, les travailleurs migrants semi-qualifiés sont particulièrement vulnérables à la servitude pour dettes et au travail forcé.
Les réfugiés, les demandeurs d’asile et les apatrides sont également exposés à un risque élevé de travail forcé car l’ accès à un emploi légal leur est refusé en raison de leur statut non reconnu. Par conséquent, ils sont contraints de gagner leur vie par le biais d’arrangements de travail informels et souvent abusifs, qui ne sont pas réglementés ni protégés par le droit du travail.
Ces travailleurs sont d’autant plus vulnérables qu’il leur est difficile de faire entendre leur voix…
Donner une voix aux travailleurs migrants
Actuellement, la loi malaisienne interdit aux travailleurs migrants de créer de nouveaux syndicats, bien qu’ils soient autorisés à adhérer à des syndicats fondés par des citoyens malaisiens. « En conséquence, on estime que seuls 10% des travailleurs migrants en Malaisie sont syndiqués », explique Kamarul Baharin Mansor, secrétaire général de MTUC. « Les principales raisons de cet état de fait sont les informations trompeuses fournies aux travailleurs migrants, ainsi que le processus long, fastidieux et ambigu de reconnaissance syndicale », ajoute-t-il.
Au cours du processus de migration, les travailleurs migrants sont amenés à signer un accord comprenant une clause qui leur interdit de participer à des syndicats sous peine d’être expulsés. Cette clause rend de nombreux travailleurs migrants confus quant à leurs droits et peut même les dissuader de chercher un soutien et une protection syndicale. Pourtant, Kamarul explique que cette clause est illégale et ne devrait pas être appliquée, car elle contrevient directement au droit à la liberté d’association, qui est inscrit dans le droit du travail malaisien.
Un autre défi de taille est le temps nécessaire à la reconnaissance d’un syndicat, qui peut prendre jusqu’à deux ans. Lorsque l’assemblée à bulletin secret est finalement organisée, de nombreux travailleurs munis de visas temporaires ont quitté l’entreprise ou ont même été renvoyés chez eux, en raison de la forte rotation des travailleurs migrants. Cependant, la liste des électeurs éligibles n’est pas mise à jour pour correspondre au nouveau groupe d’employés, explique Kamarul, ce qui rend presque impossible l’obtention de la majorité des votes nécessaires à la reconnaissance du syndicat et à la négociation collective dans les entreprises où les travailleurs migrants constituent la majorité de la main-d’œuvre.
Ces problèmes rendent encore plus complexe le défi déjà difficile de créer de nouveaux syndicats en Malaisie, un processus connu pour son ambiguïté et les abus des employeurs.
C’est pourquoi le MTUC, dans le cadre de sa mission de protection de tous les travailleurs, et en particulier des plus vulnérables, a joué un rôle actif dans l’aide aux travailleurs vulnérables au travail forcé.
Protéger les plus vulnérables
Parmi les questions clés visant à améliorer la protection des travailleurs et à réduire la probabilité de pratiques de travail forcé, MTUC a soulevé la nécessité de simplifier la procédure de reconnaissance de nouveaux syndicats et la nécessité d’inspections du travail plus régulières par le ministère du Travail.
MTUC a également organisé une série de webinaires pour les travailleurs migrants des secteurs de la construction, de la fabrication et des plantations. L’organisation a également réalisé une vidéo, avec le soutien de l’OIT, qui met en lumière la situation désastreuse de certains travailleurs migrants en Malaisie, qui s’apparente parfois à du travail forcé. La vidéo propose également des recommandations clés sur ce qui peut être fait par les différentes parties prenantes.
En plus d’être mieux informés, les travailleurs migrants ont également besoin d’un soutien en termes de conseil, d’assistance juridique, de résolution des conflits et de formation. Ils peuvent trouver de tels services dans les centres de ressources pour travailleurs migrants gérés par MTUC dans les États de Penang (nord), Selangor (centre) et Johor (sud), grâce au soutien des projets MWEA (Migrant Workers Empowerment and Advocacy) et Safe and Fair de l’OIT.
Au niveau politique, MTUC a joué un rôle actif dans la formulation des plans d’action nationaux sur le travail forcé et le travail des enfants, ainsi que dans l’élaboration du programme par pays de travail décent (DWCP) 2019-2025, qui comprend des actions concrètes, notamment la ratification du protocole de l’OIT sur le travail forcé de 2014.
MTUC s’efforce également d’inscrire à l’ordre du jour national les préoccupations liées au travail forcé et à d’autres questions relatives aux droits du travail. En tant que membre du Conseil consultatif national du travail de Malaisie (NLAC), l’organisation a préparé, avec la Fédération des employeurs de Malaisie (MEF) et le ministère des Ressources humaines (MOHR), des propositions visant à modifier certaines lois sur le travail, notamment la loi sur les syndicats et la loi sur l’emploi.
Le chemin à suivre
Non seulement le travail forcé est socialement et moralement inacceptable, mais il constitue également une grave violation des droits de l’homme et une infraction pénale en vertu de la loi malaisienne. En outre, le recours au travail forcé affaiblit la durabilité des entreprises et peut avoir un impact négatif sur la réputation des produits malaisiens au niveau international, ce qui peut entraîner des sanctions commerciales ou des interdictions d’importation, comme cela a déjà été le cas dans les industries des gants en caoutchouc et de l’huile de palme.
Donner une voix aux travailleurs vulnérables est essentiel pour les protéger du travail forcé. C’est pourquoi la liberté d’association et de négociation collective doit être garantie pour tous les travailleurs, qu’ils soient migrants, réfugiés, apatrides ou sans papiers.
En savoir plus :
Guides de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur le travail forcé :
- Le Protocole sur le travail forcé en un coup d’œil
- Guide pratique pour l’élaboration de plans d’action nationaux contre le travail forcé
Guides de la Confédération syndicale internationale (CSI) à l’intention des syndicats :
- Comment lutter contre le travail forcé et la traite des personnes : Manuel à l’intention des syndicats
- Guide « Le protocole sur le travail forcé »
* Le Rapport sur la traite des personnes est publié chaque année par le Département d’État américain (US Department of State). Pour consulter l’édition de 2021, cliquer ici.